Les enfants co-victimes des violences conjugales
Le groupe égalité femmes hommes de l’association BLR dynamique et solidaire (ADS BLR) a organisé avec la Mairie de Bourg-la-Reine une soirée débat ayant pour thème « Les enfants co-victimes des violences conjugales » à l'occasion de la journée de lutte contre les violences faites aux femmes. Ce thème intéressait du monde puisque 70 personnes ont assisté au film et 60 sont restées au débat.
Après la projection du film de Xavier
Legrand « Jusqu’à la garde », film qui a marqué fortement la salle,
nous avons poursuivi la soirée par une table ronde avec les intervenantes
suivantes :
Lucile BALAGEAS :
travailleuse sociale, référente violences au centre Flora Tristan qui accueille
les femmes et leurs enfants en situation d’urgence.
Marie MEUNIER :
juriste, référente violences du Centre d’Information sur les Droits des Femmes
et des Familles des Hauts de Seine (CIDFF92).
Emmanuelle PIET :
médecin en PMI, membre du Haut Commissariat à l’Égalité (HCE), présidente du Collectif
féministe contre le viol.
Vous
trouverez ci- après les principaux points abordés durant le débat.
Les violences conjugales et leurs principales conséquences
sur les enfants
·
Les violences psychologiques et verbales, qui
souvent précèdent les violences physiques, sont difficiles à prouver. Trop
souvent la justice ne suit pas ; pourtant ces violences-là créent une relation
d’emprise entre le conjoint violent et la victime. Les violences physiques démarrent
dans de nombreux cas au moment de la grossesse et s’aggravent avec le temps.
·
Dans les situations de violences conjugales, les
enfants sont victimes à plus d’un titre. Ils sont témoins, ils peuvent subir
eux-mêmes des actes de violence, enfin ils sont instrumentalisés par le parent
violent qui, loin de chercher le bien de ses enfants, les utilise pour faire
pression sur sa conjointe ou son ex-conjointe. Les enfants se retrouvent face à
une situation qu’ils ne peuvent pas assumer, celle de devoir protéger leur
mère !
·
Les enfants co-victimes de violences conjugales
souffrent de troubles massifs : diabète, obésité, troubles du sommeil,
énurésie, retard scolaire, peurs…
·
Ces enfants inversent la culpabilité en la
dirigeant non plus vers l’agresseur mais vers eux-mêmes. Ces troubles
affecteront durablement leur devenir et l’on constate une tendance à la
reproduction de ce cycle de violences. Ainsi 30 % des mineurs délinquants
ont grandi dans une famille connaissant des violences conjugales ; il
existe des mères tapées par leur fils devenu adolescent. Il n’est pas rare non
plus que les femmes ayant connu des violences conjugales pendant l’enfance
aiment à leur tour un homme violent.
·
Aux femmes tuées par un conjoint violent (137 en
2019 au moment où ces lignes sont écrites), il faut ajouter celles qui se
suicident (219 en 2019). Ces gestes ne sont évidemment pas sans conséquence sur
les enfants ! Certains peuvent eux-mêmes vouloir attenter à leur vie.
Que dit le droit ?
Nous
présentons quelques points ci-dessous mais sur cette question complexe, il est
souhaitable de s’adresser à un avocat. Dans notre département, il existe une
liste des avocats acceptant l’aide juridictionnelle (s’adresser à la maison de
justice et du droit de Bagneux ou Chatenay-Malabry ou au Tribunal de Grande
Instance de Nanterre).
·
Le Juge aux Affaires Familiales (JAF) peut, en
cas de violence, accorder l’autorité parentale exclusivement à la mère mais
cette pratique est peu courante. Il est conseillé de prendre un avocat car il
saura plaider face à l’avocat adverse.
·
Le droit de visite peut s’exercer dans un lieu
médiatisé afin que le parent victime n’ait pas à rencontrer le conjoint violent.
Mais, là encore, la justice hésite à mettre en œuvre une telle disposition,
d’autant que ces lieux ne sont pas très nombreux.
·
Une femme victime de violence peut bénéficier
d’une Ordonnance de Protection (OP). C’est une mesure d’urgence (même s’il faut
souvent un délai de plusieurs semaines pour l’obtenir) qui peut prévoir
notamment l’éviction du domicile du conjoint violent, l’interdiction de
rencontrer certaines personnes, la suspension de l’autorité parentale.
Un axe majeur : la formation des professionnels
·
Il faut apprendre aux médecins à poser les
questions qui vont mettre une victime en confiance afin qu’elle puisse parler.
Des observations faites récemment en milieu hospitalier prouvent que la
quasi-totalité des femmes victimes de violence parlent de leur problème pourvu
que le médecin leur pose des questions.
·
Des formations sont organisées dans certains
commissariats. Il faut généraliser de telles pratiques.
·
La mairie de Bourg-la-Reine fait appel au Centre
Flora Tristan pour former à la détection les personnels ayant contact avec les
femmes ou les jeunes enfants, notamment la police municipale, les personnels
des services sociaux, des crèches, des cantines, les personnels assurant le
temps périscolaire…
Une volonté et des moyens pour la prévention et
l’accompagnement
·
Pour être plus efficace, il faut arriver à une
meilleure coordination entre les différents services : police, justice,
aide sociale à l’enfance.
·
Il faut aussi des moyens conséquents pour
financer le développement des formations, pour créer des places d’accueil
d’urgence ou pour reloger les femmes victimes de violence et leurs enfants,
pour créer des lieux de visites médiatisées, pour créer des centres de prise en
charge des hommes auteurs de violences afin d’éviter leur récidive, etc.
·
Il devient urgent d’organiser, pour les aider et
les protéger, la détection dans les classes des enfants victimes de violences.
Un tel dispositif, mis en place dès la maternelle, encouragerait également les
mères à faire suivre leurs enfants en fonction du besoin psychologique ou
médical.
·
La campagne conçue par le Centre Hubertine
Auclert « tu m’aimes, tu me respectes » ou la diffusion du « violentomètre »,
outil de prévention mis en place par la mairie de Paris et le département de la
Seine-Saint-Denis, sont des initiatives de prévention à vulgariser auprès des
collégiens, lycéens et étudiants.
·
Il faut poursuivre les réunions et campagnes
d’information et de sensibilisation auprès du grand public tant au niveau local
que national.
Témoin ou victime, que faire ?
Numéros utiles :
Tous les appels à ces numéros sont
anonymes (impossible de détecter l’appel dans l’historique du téléphone) et
gratuits.
·
119 : C’est le Service National d’Accueil
Téléphonique de l’Enfance en Danger accessible 24H/24, 7J/7. Il permet de
signaler une information préoccupante à des professionnels aptes à évaluer la
situation, à prendre les mesures qui s’imposent et à faire appel aux services
d’urgence en cas de danger immédiat.
·
3919 : C’est le numéro national pour
les femmes victimes de violences. Ce numéro est accessible 7 jours sur 7 (de 9h
à 22h du lundi au vendredi et de 9h à 18h les samedis, dimanches et jours
fériés).
·
01 47 36 96 48 : C’est le numéro du Centre Flora Tristan qui, dans le 92, accueille
en urgence les femmes battues. Ce centre dispose d’un espace d’accueil dédié
aux enfants.
·
01 47 91 48 44 : Femmes victimes de
violences 92 (du lundi au vendredi de 9h30 à 17h30).
Interventions possibles :
·
Déposer une plainte et non une main courante. À
savoir : un policier n’a pas le droit de refuser une plainte, si c’est le
cas, le dépôt de plainte ne dépendant pas du lieu de l’infraction, il faut se
rendre dans un autre commissariat !
·
Faire un signalement auprès du Procureur de la
République (TGI de Nanterre pour le 92).
·
Écrire au juge des enfants.
·
Et pour chacune et chacun d’entre nous, être
attentif. Si l’on perçoit des signes de mal-être de femmes ou d’enfants dans
notre entourage, il faut les écouter et les orienter vers les structures composées
de professionnels(les) qui sauront les conseiller et les accompagner. Il ne
faut pas hésiter, si la victime est trop affectée pour agir, à appeler soi-même
un numéro d’urgence.
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